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Je mets mon coeur sur papier
Pour que soient gravées
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Je rappelle que tous les textes présents sur ce blog sont ma propriété! Merci de la respecter. Ce qui veut dire que si vous utilisez ne serait-ce qu'un extrait, vous devez en citer la source! Et vous ne pouvez les utiliser pour en tirer profit. Et je ne vous permets pas d'en prendre l'intégralité. Merci.

jeudi 15 décembre 2011

Trahi



 
Voici un texte écrit pour le concours de la nouvelle policière... Je n'ai rien remporté, seulement le plaisir d'écrire ce texte.




Trahi

Il était une fois un saumon. Celui-ci subissait la colère de la déesse. Il devait lui prouver qu’il méritait sa place dans son peuple en son lit. Il luttait contre le courant qu’elle provoquait. Ce n’était pas encore le temps de la pêche. Il devait renaître en son for avant celle-ci. Il était nécessaire pour lui de prouver qu’il était le plus fort et qu’il ne tomberait pas dans le piège…



Ça y est, je devais déposer ma plume. J’avais déjà le syndrome de la page blanche que vit tout écrivain. Or, je ne suis pas un de ceux que vous connaissez. Cette page blanche était un obstacle. Cela débutait plutôt mal, malgré toute la volonté qui se trouvait en mon sein. Je voulais vous raconter pourquoi je suis en prison avec une belle métaphore. Mais qu’importe! Au diable la métaphore et la mythologie! Je vous raconterai l’histoire en toute simplicité. Le résultat sera le même. Ce que je veux, c’est vous la raconter pour obtenir ma rédemption puisque je me sens comme un saumon qu’on a pris au piège. Mais pour l’obtenir, je devrais commencer par la relater, et j’y vais de ce pas.

Il y a plus de deux ans, je déambulais dans les rues de mon quartier pour regagner mon chez-moi. Le soleil plombait et la neige le réfléchissait. Enfin, le peu de neige qu’il restait en ce début de printemps. J’entendais la rivière sortir de son lit et gronder. Je grondais moi aussi de fureur. J’étais rempli de frustrations face à la vie et j’avais besoin d’un nouveau départ, de mon nouveau printemps pour m’en libérer. J’étais sur le point d’exploser et de causer des dommages autour de moi. Je devais me tempérer, ce que m’aidait à faire ma promenade. Je vagabondais, errant dans mon quartier, et c’est là que j’aperçus la maison où des chambres étaient louées. Une nouvelle voiture, une Civic blanche, se trouvait dans l’allée. J’étais intrigué. Je rentrai chez moi.

Le lendemain, je retournai marcher. Je ressentais encore le besoin de me libérer de mes tensions. J’avais aperçu au loin la nouvelle locataire, la propriétaire de la Civic. Celle-ci avait le plus joli des corps que j’eusse aperçus au courant de ma brève vie. Un corps à la Jennifer Lopez, un corps à faire rêver! Il avait juste ce qu’il fallait de courbes pour que mon cœur se mette à palpiter. En plus de ces jolies courbes, il s’en dégageait une telle grâce, une telle fraîcheur. Mes pulsions m’attiraient vers ce corps. Je n’étais plus qu’intrigué, j’étais aussi subjugué, voire ensorcelé. J’ignorais qu’elle m’avait ensorcelée plus qu’elle ne le laissait présager, comme la suite des évènements allait me le démontrer, malencontreusement.

La nouvelle locataire discutait avec un jeune homme étudiant en technique de sonorisation. Je trouvais Gabriel paresseux et j’avais de la difficulté à le cerner. Étrangement, j’en avais peur et je ne pouvais pas en identifier la raison. Il se dégageait de cet étudiant une impression en laquelle je n’avais pas confiance. Il caractérisait l’une de mes plus grandes frustrations en ces temps-là quand je me fiais à mon intuition. Cependant, ayant partagé mes inquiétudes avec la propriétaire de la maison, celle-ci m’avait rassuré en m’affirmant que Gabriel était un excellent locataire et qu’elle ne l’échangerait pas pour deux sous. J’avais dû m’en remettre à son jugement puisque j’avais une confiance presqu’infinie en elle. Malgré tout, je ne m’étais jamais départagé complètement de mon impression et elle revenait à chaque fois que je croisais ce jeunot. Comme en ce moment où il riait avec la nouvelle locataire…

En passant près d’eux, je sus qu’ils allaient rejoindre des amis à des petits restaurants du magnifique village où nous nous trouvions. Avec le beau temps qui revenait, ils avaient décidé de s’y rendre à pied. Je me joignis à eux et fis un bout de chemin en leur compagnie. Je pus ainsi apprendre que la nouvelle locataire s’appelait Raphaëlle. Celle-ci était enseignante et en était à sa quatrième année d’enseignement. Elle venait de rompre avec son copain des cinq dernières années. Cela l’avait, en quelque sorte, forcée à se trouver une chambre puisque tous les appartements étaient loués à cette époque de l’année et qu’elle ne voulait pas demeurer dans le même appartement que son ancien copain. Elle vivait des difficultés dans son emploi également et n’avait pas l’impression d’être comprise et aidée. Je saisis dans ses paroles que, malgré notre différence d’âge, je pourrais devenir un excellent confident pour cette exquise jeune demoiselle. J’avais l’impression d’avoir trouvé mon nouveau printemps et de renaître de mes cendres.

Je m’étais réfugié dans mes pensées en marchant et j’avais perdu le fil de la conversation. Les jeunes parlaient dorénavant de musiques qui m’étaient totalement inconnues : Rise Against, Colby O’Donis, Carrie Underwood, Daughtry et d’autres dont je ne me rappelle même plus les noms aujourd’hui. Il était maintenant venu le temps de nous séparer. Je laissai les jeunes aller rejoindre leurs amis au restaurant. Je poursuivis ma marche. En marchant, je me fis la promesse de tout mettre en œuvre pour me rapprocher de l’exquise Raphaëlle. Avec du recul, je ne suis plus certain que c’était une si bonne idée qui m’était venue à l’esprit.

Je cherchais des moyens de me rapprocher de Raphaëlle sans que personne ne s’en aperçoive. Je voulais à tout prix parvenir à mon but et je mettrais tout en œuvre en ce sens. Je savais que je croiserais Raphaëlle fréquemment dans les prochains mois. Divers moyens de rapprochement me venaient à l’esprit. Ce serait l’occasion de voir si mes vieilles techniques fonctionnaient toujours, même si les attentes des jeunes des nouvelles générations avaient changé depuis que j’avais eu leur âge. Je ne pouvais encore réaliser que les parents des nouvelles générations leur transmettaient ces valeurs désuètes qui étaient en grande partie la cause de ces nouvelles attentes. Je retournai chez moi méditer.

Dans les semaines qui suivirent, je vis Raphaëlle dans ses moments de découragement. Je lui parlais presqu’à tous les jours, ce qui me permettait de me rapprocher d’elle. J’étais l’oreille attentive dont elle avait besoin. L’évolution de notre relation me permit rapidement de lui donner des conseils en toute confiance. Cette évolution rapide me confirmait que nous étions en symbiose. M’étant rapproché d’elle, je pouvais la consoler en la tenant dans mes bras. Elle ne s’y opposait pas, et moi, je devais me retenir, pour le moment, face à toute la fraîcheur qui se dégageait d’elle. Une fraîcheur exquise qui représentait sa jeunesse et son intégrité. Le seul problème qu’il y avait, et c’en était un gros pour moi, c’était que Raphaëlle était une fille trop gentille. Sa gentillesse la rapprochait aussi beaucoup de Gabriel. Et Gabriel était un problème. Eh oui, j’en étais radicalement jaloux. Je devais m’organiser pour ne rien en laisser paraître. Je croyais avoir bien fait, mais notre intelligente Raphaëlle le décela, et elle en parla – à d’autres que moi, bien entendu – comme me le prouvèrent les évènements qui suivirent.

Gabriel fut retrouvé mort dans son appartement à la fin du mois de juillet. Ce fut la femme de ménage qui le découvrit gisant dans son sang. Celui-ci avait été mutilé à plusieurs reprises. Il était allongé sur le dos, les genoux repliés, un seul bras étendu de travers, et les vêtements parsemés de trous. À la vue du corps, la femme de ménage eut un énorme choc. Qui n’en aurait pas eu? Elle dût abandonner son emploi peu de temps après, puisqu’elle était aussi victime d’un choc post-traumatique, l’empêchant de bien exécuter ses diverses tâches.

Entre-temps, je m’étais rapproché de Raphaëlle. Nous n’étions pas devenus amants, mais nous nous rapprochions copieusement de ce statut. À chaque fois que je voyais Raphaëlle, je réussissais à lui soutirer des sourires et ses yeux scintillaient lorsqu’elles me voyaient. Ces étincelles comblaient mes pulsions en partie. J’étais encore marié et je devais faire attention à ne pas être découvert sur cette infidélité. Je tenais à la discrétion et c’est pour cela que j’avais agi en toute subtilité jusqu’à présent.

Mais à ce moment, la curiosité l’emporta. Une pulsion qui pouvait aussi bien se révéler positive que négative. Une grande erreur quand on sait ce que le proverbe dit. Je fus sur les lieux du crime au moment où les policiers arrivèrent. Bien sûr, je leur affirmai que j’avais pris mes précautions et que je n’avais touché à rien afin de ne pas nuire à leur travail de recherche. Je savais qu’il était essentiel qu’ils trouvent toutes les preuves possibles et que celles-ci soient intactes. Les policiers et leurs collègues conclurent que les éclaboussures de sang qui parsemaient la chambre, démontraient clairement que Gabriel s’était débattu. On ne découvrit pas de sang de l’agresseur; on récolta des mèches de cheveux de gens qui avaient pu se trouver là auparavant, et ce par le plus pur des hasards : les propriétaires de la pension, Raphaëlle et la femme de ménage. Aucune autre trace d’ADN.

Les psychologues experts en scène de crime conclurent que celui qui avait fait ce carnage était empreint d’une grande fureur, presque d’une folie. Ils étudièrent le profil de Gabriel et de tous ceux qui l’avaient côtoyé. C’est là que j’appris que Raphaëlle, malgré toute sa grâce et sa fraîcheur, n’était pas si parfaite qu’elle le semblait. Elle avait parlé contre moi, la traîtresse. Tout le village, à jamais sous le choc, était depuis longtemps au courant de ma jalousie envers Gabriel. Raphaëlle avait perçu ma faiblesse et l’avait divulguée à tous vents. Ce ragot, combiné à l’expertise des psychologues, me désigna d’ores et déjà comme principal suspect du meurtre.

Pour couronner le tout, les policiers vinrent me demander mes empreintes digitales. Ils n’avaient pas mentionné qu’ils avaient trouvé l’arme du crime lors de leur perquisition afin que le fait ne s’ébruite pas. Ils avaient découvert un couteau maculé de sang sous le matelas où reposait Gabriel. Les empreintes digitales qui s’y trouvaient étaient assez claires pour qu’elles puissent être utilisées comme preuves. Après les analyses, j’appris avec stupéfaction que ces empreintes correspondaient, hors de tout doute, aux miennes. Dans ma tête, cela était impossible, voire irréel.

À partir de ce moment, je commençai à me questionner. J’étais certain de ne pas avoir commis ce crime. Je me demandais comment j’allais pouvoir me défendre avec ces supposées preuves qui m’accusaient. J’étais d’ores et déjà considéré comme principal suspect et j’avais perdu la confiance que mes concitoyens avaient eu l’honneur de m’accorder. Comment allais-je faire pour ne pas sombrer à la dérive? Je me dépêchai de prendre rendez-vous avec un avocat. Celui-ci me conseilla de plaider coupable. Cependant, je ne voulais pas plaider coupable pour un acte pour lequel je n’avais aucun souvenir de l’avoir commis.

Et c’est là que je commençai à avoir un doute. Aurais-je pu être somnambule et ne pas m’en rappeler? Aurais-je pu, avec toute ma fureur, être victime d’un acte de folie, tel un automate? Mais plus j’y pensais, plus je me disais que c’était impossible et irréel comme façon de concevoir les choses. J’étais encore loin d’être fou, je n’étais qu’un être rempli d’agressivité, mais je savais que je pouvais la contrôler. J’étais loin d’être fou, mais j’avais peur de le devenir au courant du procès qui allait s’ensuivre. Je savais qu’il allait être rude pour mes nerfs. J’allais être sous les feux des projecteurs et je serais étudié dans chacun de mes moindres faits et gestes. Malgré tout, au début des procédures juridiques, j’étais optimiste que je ne serais pas condamné à mort et je m’en sortirais à bon escient.

Je devrais patienter jusqu’à l’ouverture du procès. J’espérais que les procureurs décideraient que les preuves n’étaient pas suffisantes. Du reste, la seule preuve qui m’incriminait était le couteau avec mes empreintes. Quelqu’un avait pu me le subtiliser, mais cela serait difficile à prouver puisque je ne voyais personne qui aurait pu commettre cet acte. Cette possibilité ne pourrait que semer un doute dans les pensées des membres du jury lors de leurs délibérations. Ce doute avait une mince chance de sauver ma peau. Et je ne pouvais point être condamné s’il en subsistait un, si minime soit-il. C’était le principe de notre système de justice; je ne pouvais qu’être condamné hors de tout doute.

Les preuves avaient beau être minces, ce qui m’inquiétait le plus était mon absence d’alibi qui puisse tenir la route face à la poursuite. Ma conjointe avait bien confirmé que j’étais allé faire mon jogging de remise en forme à l’heure du meurtre. Malheureusement pour moi, cela constituait l’alibi le plus facile à détruire par les avocats de la poursuite. Je n’effectuais jamais le même chemin. Il était difficile pour moi de trouver un témoin qui m’avait aperçu et qui pouvait le confirmer en toute certitude. La poursuite pouvait facilement le confondre et lui faire réaliser toutes les incertitudes existant autour de ce qu’il croyait avoir vu.

Et même si je réussissais à trouver un tel témoin, il serait aussi tellement facile de dire que j’avais modifié mon itinéraire. J’avais ainsi pu aller voir Gabriel et le tuer; j’en avais amplement eu le temps, peu importe l’itinéraire que j’avais décidé d’emprunter. D’ailleurs, l’altercation avait duré moins de cinq minutes selon les experts médico-légaux. Je me retrouvais, comme principal suspect, sans aucun alibi. Cela n’était pas de bon augure, vous l’aurez sans doute deviné.

Et c’est sans surprises que j’appris que j’étais accusé du meurtre de Gabriel Vernon. J’aurais le droit à un procès qualifié de juste et équitable pour ma défense. C’était ce que me permettait notre formidable système judiciaire. J’embarquai dans la paperasse de la justice; je n’avais plus le choix de m’y conformer. Chaque fois que je rencontrais mon avocat, je voyais mes économies fondre à vue d’œil. Et j’avais l’impression de rester sur place. Je n’avais pas l’impression que ma défense se préparait. C’était certain, j’avais peu d’éléments pour la préparer.

Je commençais à me demander si ma mauvaise impression de Gabriel était liée aux évènements que je vivais présentement. Peut-être l’avais-je rencontré dans une autre vie? Que je vivais présentement mon karma? Je devais payer mes dettes de mes fautes passées envers cette réincarnation. Que se passait-il? Ce procès me rendait fou. Je n’avais jamais cru en le concept de réincarnation et ce ne serait pas aujourd’hui que je commencerais. Je n’étais pas fou, j’étais convaincu de mon innocence, et bien que les moyens me manquaient, je me débattrais jusqu’au bout. Je n’étais pas un perdant. Je ne voulais pas en devenir un. Tout ce que je voulais dans la vie était d’obtenir ma rédemption. Et je prenais les moyens pour.

Lors de mes courtes rencontres, j’appris à mon avocat que je savais que Raphaëlle avait des problèmes financiers. Gabriel lui en avait prêté et se faisait insistant dans les derniers moments de sa vie pour être remboursé. Or, j’affirmai à mon avocat de pacotille que Raphaëlle n’était pas encore apte à le rembourser. Peu après, j’appris que Gabriel avait finalement été remboursé. J’ignore par quel moyen la traîtresse avait réussi cet exploit, mais maintenant, je suis passé par-dessus cet outrage. Cependant, à l’époque, je sus aussi que sa relation avec Gabriel s’était grandement détériorée. Cela lui occasionnait des problèmes de colocation. Cela nous permit d’apprendre que Gabriel avait des difficultés avec plusieurs personnes dans sa vie. Cela me soulageait en quelque sorte, puisque malgré la haute trahison, je ne voulais pas rejeter la faute sur Raphaëlle.

Le procès débuta après quelques mois d’attente pendant lesquels je me morfondis et tentai de trouver des solutions. Tous ceux qui avaient eu des problèmes avec Gabriel durent venir témoigner à la barre. Tous, sauf Raphaëlle, avaient des alibis en béton pour le moment où avait eu lieu le crime : études, travail, enterrement, voyage à l’extérieur, rendez-vous médicaux et autres rendez-vous. Tous des alibis qui ne pouvaient en aucun cas être démolis. Je m’inquiétai pour Raphaëlle; malgré sa haute trahison, j’étais encore sous l’emprise de son ensorcellement. Sa grâce et sa fraîcheur me subjuguait encore et ravivait mes pulsions. Raphaëlle se sortit plutôt bien de son témoignage. On apprit la nature de ses problèmes de colocation : des petits problèmes qui, mis bout-à-bout, lui empoisonnaient l’existence. Elle avait pris les moyens nécessaires pour régler les différends et était allée en discuter avec la propriétaire. Celle-ci n’avait eu d’autres alternatives que de confirmer ce que Raphaëlle affirmait et de mentionner qu’elle était allée voir Gabriel pour régler les conflits entre ses locataires.

À partir de ce moment, je fus découragé. Je baissai les bras. J’avais l’intuition que rien au monde ne me viendrait en aide et jetterais le blâme sur un autre que moi. Je n’avais même pas l’énergie de faire porter le blâme à la femme de ménage. C’était bien elle qui avait découvert le corps et pas moi. Je devais assumer ce que j’avais enduré et ce que j’avais dégagé. Je devais maintenant me protéger. Je devais absolument protéger toute ma famille. C’était tout ce qui me restait face à cette solitude de la certitude d’être condamné.

Résigné, j’espérais qu’il demeurerait un doute dans l’esprit des jurys. Je dus observer les suites de mon procès passivement. Mon avocat rappelait à la barre des témoins déjà entendus. Il cherchait des petits indices qui pourraient me sauver la peau. On aurait pu dire qu’il se démenait pour moi; or, un œil averti aurait perçu, comme moi, qu’il y mettait autant de convictions que j’en mettais dorénavant. Il était autant résigné que je l’étais. Et bien sûr, il ne trouva aucun détail qui en vaille la peine, si infime soit-il.

C’est avec l’énergie du désespoir que je regardai les avocats faire leur plaidoyer. Celui de la poursuite insista sur l’arme du crime qui comportait mes empreintes, sur mon absence d’alibi qui pourrait certifier que je me trouvais ailleurs au moment du meurtre et bien entendu sur le fait qu’il existait un mobile pour lequel j’en voulais grandement à Gabriel. Mon avocat tenta d’insister sur le fait que l’arme avait pu m’être subtilisée et sur le fait que je n’étais pas le premier témoin à être arrivé sur les lieux du crime. Bref, rien de concret qui aurait pu me sauver.

Bien sûr, maintenant, vous savez le verdict que le jury a posé, mais je tiens à vous partager ce par quoi je suis passé. À l’époque, j’avais, malgré mon attitude défaitiste, encore un léger espoir qu’une personne vienne se manifester afin de me sauver. Elle n’en fit rien, malgré la confiance que je lui accordais encore après toutes ces années. Je devais ainsi me taire, sous peine d’empirer mon cas. J’espérais qu’il subsistait un doute dans l’esprit du jury. Mon cœur palpitait la chamade. J’étais inquiet de ce que j’allais advenir. Les jurés revinrent de leur délibération. Le mot « coupable » eut sur moi l’effet d’une bombe. J’étais complètement désemparé. Je croyais avoir réussi à semer le doute. J’avais échoué. Je ne pouvais plus qu’attendre la sentence que m’accorderait le juge.

Aujourd’hui, cela fait un mois que je purge ma sentence au pénitencier provincial. Je me sens encore hautement trahi et piégé. Qu’ai-je fait pour mériter la prison à perpétuité sans possibilité de remise en liberté? Je suis convaincu d’être innocent dans cette histoire. D’ailleurs, je suis le saumon du conte que je voulais vous conter au départ. J’espère que vous ne m’en voulez pas trop d’avoir choisi la voie facile pour vous conter l’histoire. Maintenant que vous la connaissez, je peux aller rejoindre la visite que le garde m’annonce.

Je me laisse conduire à l’aire des isoloirs. Tout au long de mon séjour en prison, j’ai pu réfléchir. On dit qu’il y a des apprentissages qui se font seulement lorsqu’on va purger une peine en prison. C’est l’école du crime. Pour ma part, j’y ai appris la plus belle morale que j’aie pu apprendre. Le fait d’être innocent me convainc que je ne peux que me faire confiance. Il n’y a personne d’autre qu’à moi à qui je peux faire entièrement confiance. Je ne peux l’accorder à ceux et celles que j’ai appuyées; ils en viennent toujours à nous trahir. La confiance ne peut que venir de nous, et c’est ce qui m’a manqué au cours du procès. J’aurais dû être plus assuré dans mes moyens : j’aurais ainsi eu un plus grand pouvoir sur mon sort et j’aurais pu, de la sorte, limité les trahisons masquées qui ont causé ma perte. Je sais dorénavant qu’il faut parfois se méfier des apparences et que la confiance provient de soi-même. Il a fallu que je vienne en prison pour apprendre cette leçon de vie, si essentielle au bien-être de chacun.

Trêve de morale, j’arrive à l’aire des isoloirs. Je l’aperçois au loin dans toute sa grâce. Elle n’a jamais été aussi belle que dans le moment présent. L’air frais qui filtre par la fenêtre lui fait onduler les cheveux et je détaille encore et toujours ses précieuses courbes. Tous les moments de joie et de misère passés avec elle me reviennent à l’esprit et me font frémir. De joie et de bonheur, je l’ignore! Elle semble être venue me livrer un cadeau. Qu’en ai-je à faire? Je suis confiné dans ces murs pour le restant de mes jours. Je m’approche et je vois les étincelles de nos premiers instants dans ses yeux. Je prends le téléphone qui nous sert d’interphone et c’est à ce moment précis que, avec le sourire en coin, plutôt avec un énorme rictus, la propriétaire de la pension me souhaite : « Joyeux trente-cinquième anniversaire de mariage, chéri! »

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