Ce matin-là, un
lapin se dirigea vers la source de la rivière pour y cueillir l’eau pure et regorgeant
de propriétés magiques en cette journée. Comme les années précédentes, il
traînait avec lui une gourde en forme de carotte à laquelle boiraient ses enfants.
Ces derniers dormaient sous l’œil attentif de leur mère avant de partir à la traditionnelle
chasse organisée par le maire. Exalté par la perspective de celle-ci, le lapin s’exécuta
rapidement et revint au terrier. La lapine réveilla les jeunes rongeurs tout
excités face à la vue de la journée à venir. Pour les calmer et les faire
profiter des vertus merveilleuses de l’eau, leur père les fit boire à la
gourde, mais il ne prit aucune gorgée croyant que la chance allait de paire
avec la cueillette. Il discuta de la stratégie à adopter afin que les lapereaux
dénichent les cachettes et récoltent les œufs
qui s’y trouveraient.
Dans l’espoir
d’être proclamés victorieux, les habitants du terrier partirent à la quête des
œufs pour en ramener autant que possible au maire. Tout allait pour le
mieux : chacun des enfants filait à tour de rôle
en
collecter un quand, soudain, le plus jeune de ceux-ci se trouva face au lièvre.
Participant à la compétition, le sauvageon voulait dérober l’œuf au lapereau. Le
lapin le vit faire, accourut à la défense de son bébé et rappela les règles,
mais le voleur les transgressa et frappa son adversaire. Ce dernier dut se
défendre malgré les regards outragés de la lapine qui ne voulait pas que son cadet
aperçoive cette bataille. En allant chercher son fils pour éviter qu’il reçoive
des coups, elle en profita pour ramasser l’œuf qu’il avait déniché. Le combat
continua : les adversaires roulaient l’un par-dessus l’autre et les
glapissements emplissaient l’air. Parvenant à se libérer, le tricheur réalisa
que l’objet de sa convoitise n’était plus là. Il déguerpit à la recherche de
nouveaux trésors, sachant que, même s’il n’avait pas mis la main sur celui-ci,
il avait fait perdre un temps précieux à la famille lapinesque et cela le
comblait.
Le lièvre parti,
les lapins retournèrent dans les sentiers poursuivre leur investigation. Le
cœur léger, blaguant et riant aux éclats, ils serpentaient à travers les arbres
qui semblaient leur chuchoter le chemin à prendre. Les jeunes cueillaient
toujours successivement les coquilles blanches découvertes, et les remettaient
à leur mère. Puis, ils virent qu’un œuf était sur l’une des plus hautes
branches d’un érable. Un lapereau tenta d’y grimper, mais il n’y parvint pas
même en prenant appui sur l’entaille faite pour récolter le suc. Il fit
plusieurs tentatives infructueuses et il s’affaissa auprès des siens. À cet
instant-là, l’écureuil qui sortit de son trou eut plein d’empathies pour la
famille à ses pieds. Voulant les aider sans que cela soit trop facile, il fit
tomber l’œuf afin que le lapereau doive se précipiter dessus puisque de
nouveaux compétiteurs arrivaient au loin. Entendant un bruit à travers les
branches, le jeune concurrent leva les yeux et dut détaler pour se le procurer
avant que la fratrie de son meilleur ami ne le saisisse.
Après avoir
récolté cet œuf, la famille était confiante de remporter la compétition.
Cependant, l’honneur et l’orgueil l’incitaient à en trouver davantage :
ses membres se dirigèrent vers le lac, sachant que certains œufs seraient
découverts parmi les quais. Ils y rencontrèrent à nouveau le lièvre. Rancunier,
celui-ci se disait qu’il prendrait sa vengeance dès que son rival se trouverait
près de lui. Aussitôt que la distance fût réduite, il l’expédia dans le lac. Abandonnant
les œufs, la lapine se jeta à la poursuite de son époux qui ne savait pas nager
afin de le sauver, mais elle ne réussit qu’à l’extirper du lac, couvert de
chocolat. Elle pleura, face au soleil qui sécha le cacao liquide, figeant ainsi
son mari dans la mort. Les petits lapereaux, inconscients de l’ampleur du
drame, se mirent à pleurnicher, terrifiés par l’état de leur mère qui
maudissait son jules de ne pas avoir bu à la carotte pour se porter chance et
éviter cet événement malheureux.
Or, survolant le
lac, le phénix avait tout vu de la mesquinerie du lièvre. Il avait vu la lapine
se débattre pour sauver son mari et avait été touché par ce geste d’amour. L’oiseau
somptueux se dirigea vers la famille, et se posa près du mort, étalant ses
ailes. Voyant le désespoir dans les yeux des lapereaux, il fit couler une de
ses larmes et le chocolat se fendit en deux morceaux, gardant intacte la forme
du lapin. Libéré du poids du cacao, le père ressuscita comme un phénix renaît
de ses cendres grâce à cette larme qu’il chérit autant que l’eau de Pâques.
Le lapin
regrettait son insouciance, car le lièvre aurait ainsi la victoire en ayant dérobé
leur récolte. Or, malgré la défaite, il savait qu’il garderait en mémoire la
joie de ce moment en compagnie de ses enfants. Repartant chercher d’autres
trésors pour le simple plaisir, les lapereaux s’entraidaient pour sortir les
œufs camouflés dans les endroits les plus difficiles d’accès. Ils allèrent remettre
leur butin au maire qui s’apprêtait à couronner le vainqueur quand le phénix se
présenta pour mentionner la fraude de ce dernier. L’oiseau avait emmené les
morceaux de chocolat pour montrer qu’il disait la vérité et que la victoire
devait être accordée à la famille lapinesque. Le maire fut terriblement déçu de
la tricherie du lièvre qu’il condamna à se priver de toute participation à cette traditionnelle chasse
qui se poursuivit d’année en année, au grand plaisir des jeunes.
Joyeuses Pâques