Quelques-uns de mes écrits, que ce soit de courtes nouvelles, des contes ou des poèmes!

Je mets mon coeur sur papier
Pour que soient gravées
Toutes mes émotions dans l'éternité
Je rappelle que tous les textes présents sur ce blog sont ma propriété! Merci de la respecter. Ce qui veut dire que si vous utilisez ne serait-ce qu'un extrait, vous devez en citer la source! Et vous ne pouvez les utiliser pour en tirer profit. Et je ne vous permets pas d'en prendre l'intégralité. Merci.

jeudi 15 mars 2012

Inspiration recherchée à l'estaminet

Lilianne ne cessait de fixer l’horloge accrochée au haut du tableau. Il était temps que finisse ce cours de philosophie. Enfin, son dernier. Plus jamais de cette horreur! La discussion lancée sur l’euthanasie l’ennuyait mortellement; le professeur était incapable de mener à bien ce débat. Lilianne entendait l’appel de son estomac qui gargouillait sans cesse. Elle commença à ranger discrètement ses choses, malgré le regard réprobateur du professeur. Lorsqu’elle eut fini, l’aiguille des minutes arrivait sur le chiffre 55 et c’est avec soulagement que Lilianne se leva pour quitter cette salle.

Elle se dirigea rapidement au restaurant qui jouxtait le cégep. Ou plutôt était-ce un café, un estaminet, un pub, une halte-bouffe, un resto-pub, un bistro? Bref, appelez cet endroit comme vous le voulez. Vous en serez charmés dès que vous passerez en ces abords. Seul les résidants de la place savent qu’il passe tour à tour par les noms énumérés précédemment.

Voyant qu’il restait peu de place sur la terrasse, Lilianne se dépêcha de s’asseoir à une table. La serveuse vint lui apporter le menu et repassa prendre la commande quelques minutes plus tard. Lilianne n’avait pas tardé à faire son choix; une délicieuse pizza fine, spécialité du restaurant. Les effluves l’enivraient d’ores et déjà et elle ne pouvait que penser au délice que ses papilles goûteraient dans quelques minutes.

Pendant l’attente, Lilianne sortit un petit calepin de son sac et prit son crayon. Elle espérait que l’inspiration viendrait. Elle devait rendre dans deux semaines un léger recueil de nouvelles et de poèmes pour son projet intégrateur en Arts et Lettres. Elle observa les passants qui marchaient sur la rue à la recherche d’inspiration. Elle fit la même chose avec les clients du restaurant. Elle observa même les boiseries qui donnaient un air vieillot à l’établissement. Or, il n’en résultait sur son calepin que des mots épris de rayures multiples. Elle vit un autre étudiant qui lisait, à ce qu’elle crut distinguer en caractère gras, Le Lièvre et la Perdrix. Elle essaya de passer en revue les fables qu’elle connaissait. Parfois, par hasard, un simple détail l’accrochait et lui faisait miroiter mille idées. Ce soir-là, la bonne inspiration ne venait pas, même avec les lointains accords désabusés et accrocheurs du chansonnier qui se trouvait à l’intérieur.

Entourée de tant de gens, elle se sentait seule face à son problème. Elle ne parvenait même pas à y trouver un regard réconfortant. Son repas arriva et elle dut se dépêcher à manger. Son travail d’étudiante qui se trouvait dans une boutique de vêtements à quelques pas de là ne tolérerait pas de retard.

Après sa soirée à la boutique et être passée se préparer pour une fin de soirée enchantée, Lilianne alla rejoindre ses amis. Elle arriva seule, feignant l’indépendance, mais en était-ce vraiment. Avait-elle plutôt peur de trop s’accrocher aux gens qui l’entouraient. L’endroit avait pris des allures plus près des tavernes. L’air ayant trop rafraîchi pour demeurer sur la terrasse, le groupe décida de rentrer s’asseoir à l’intérieur; ils auraient bien d’autres occasions de venir s’y asseoir au courant de l’été. Ils s’installèrent au bar légèrement recourbé. Même s’ils en connaissaient presque par cœur chaque détail, la serveuse leur apporta, par habitude, la carte des vins. Vins, bières, cocktails, cidres, kirs, shooters, tout, absolument tout s’y trouvait. Dans l’ambiance feutrée, les amis hésitèrent longuement avant de se décider. Ils optèrent finalement pour se séparer un pichet, ou plutôt quelques, pichet de bière blonde.

Sur une trame de fond sonore de juke-box, le groupe d’amis parle de leurs projets pour l’été qui s’annonce. Ils discutent des professeurs qu’ils ont eus au courant de la session et de leurs inquiétudes face aux examens qui s’annoncent. L’un deux remarque que Lilianne semble s’ennuyer. Il la questionne. Celle-ci prétexte la fatigue. Elle ne veut surtout pas l’ennuyer avec ses problèmes, ses inquiétudes, ses questionnements. Elle préfère garder cela en elle, même si elle sait que ce n’est pas bon pour le moral et la santé. Elle détourne le regard pour ne pas qu’on y perçoive son découragement.

Lilianne préfère noyer celui-ci dans le verre qui se trouve en face d’elle. Elle espère que l’inspiration s’y trouvera. Elle se dit que les effluves d’alcool mélangées à celle du bois vieilli devraient lui rendre ce service après quelques heures passées dans ce lieu désabusé. Elle ignore que c’est elle qui fuit ses problèmes, qui fuit son inspiration.

Le groupe d’amis quitte le café qui s’était transformé en pub l’instant de quelques heures. Ils vont danser à la discothèque qui se trouve tout juste à côté. Lilianne est la première à se retrouver sur la piste de danse. Elle ose ainsi espérer que certains lui témoigneront qu’une once d’attention dans sa détresse qu’elle tente de cacher par tous les vices.

Puis arrive le moment où le tenancier invite le disc jokey à faire jouer des slows. Lilianne ramasse ses choses et quitte seule la discothèque, le cœur léger ou en furie, elle ne saurait dire. Elle repasse devant l’Estam et voit la lumière tamisée au fond du bar. Elle a envie de s’y réfugier à nouveau, mais voit le propriétaire compté sa caisse. Il est trop tard pour aller se réconforter face à toutes ces déroutes, face à toutes ces rancœurs que les gens y ont laissées. Elle s’en veut de ne pas avoir trouvé l’inspiration face à tous ces drames, face à tous ces rêves inachevés, face à toutes ces noyades de chagrin.

Elle poursuit son chemin et laisse enfin ces larmes coulés, à l’abri des regards indiscrets, à l’abri des questions. Elle ne réalise pas que l’inspiration se trouve plus près qu’elle ne le pense et a envie d’hurler son désespoir à la Lune qui semble la narguer de sa ronde blancheur. Elle ne réalise pas que l’inspiration ne se trouve pas aux abords des drames des estaminets de ce monde, elle ne réalise pas que l’inspiration se trouve d’abord en soi.

©isallysun, dans le cadre des défis littéraires de Babelio